Quels rôles jouent les aidants auprès des personnes atteintes de maladies respiratoires ?

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La relation entre les proches aidants et les “aidés” est d’une grande complexité, avec de nombreux défis à relever. Soucieuse d’évaluer la charge physique et émotionnelle pesant sur les proches aidants de personnes atteintes de maladies respiratoires chroniques, l’association Santé respiratoire France a mandaté l’agence Smartketing pour réaliser une enquête miroir auprès de ces aidants et des patients. La psychosociologue Cécile Grosset a mené et analysé un sondage en ligne administré du 1er juillet au 30 septembre 2024 (317 participants – 229 malades respiratoires, 88 aidants).

La notion de « proches aidants » ou « aidants familiaux » est connue par 81 % des aidants et 71 % des personnes atteintes de maladies respiratoires.

Les autres chiffres clés de cette enquête 2024 sont révélateurs de la réalité de l’aidance dans le cadre des maladies respiratoires chroniques, de la nature de cette relation, de l’interaction au sein de ce binôme, et des ressentis de chacun. Un ensemble de données riche d’enseignements et qui ouvre de nouvelles perspectives.

Qui sont les aidants des personnes atteintes de maladies respiratoires chroniques ?

  • Les aidants sont en moyenne plus jeunes (58 ans) que les personnes atteintes de maladies respiratoires (65 ans). Ils sont majoritairement des femmes (80 % contre 20 % d’hommes), un pourcentage supérieur à la tendance nationale relevée en 2022 par le baromètre des aidants de la Fondation APRIL. Celle-ci montrait qu’un Français sur cinq est aidant, un rôle assumé dans 60 % des cas par des femmes. « Bien que la proportion féminine soit plus élevée dans notre échantillon, relève Cécile Grosset, elle reflète une réalité où cette mission est davantage effectuée par les femmes. »
  • Les aidants sont nombreux à être actifs professionnellement : 52 % d’entre eux, contre 14 % des malades respiratoires, doivent concilier obligations professionnelles et soutien auprès de leur proche. Le conjoint représente le principal aidant (57 %), suivi par les enfants (37 %). La motivation des aidants est principalement affective (90 %), bien que 10 % la considèrent comme une obligation morale.
  • Dans 90 % des cas, les aidants vivent avec la personne malade, ce qui renforce à la fois leur engagement et leur interdépendance.
  • Par ailleurs, un tiers des malades respiratoires se trouvent eux-mêmes dans un rôle d’aidant pour une autre personne (13 % de façon quotidienne).
  • 63 % des personnes atteintes de maladies respiratoires (dont 75 % de BPCO/emphysème, mais aussi d’asthme, d’apnées du sommeil, etc.) souffrent également d’autres pathologies (cardiovasculaires, mentales, rénales ou métaboliques). 33 % sont équipées en permanence d’un dispositif d’assistance respiratoire comme l’oxygénothérapie ou la ventilation non invasive, ce qui peut accroître la complexité du soutien apporté par les aidants.
  • 6 aidants sur 10 souffrent eux-mêmes d’une pathologie (59 %), dont 28 % d’une maladie respiratoire, 17 % de troubles cardiovasculaires et 10 % de troubles mentaux, et doivent ainsi gérer leurs propres besoins de santé.

Une charge émotionnelle forte pour les aidants, conscients des défis à venir

« Dans l’ensemble, les réponses au sondage révèlent que les aidants estiment souvent fournir un effort plus important que ce que perçoivent les malades respiratoires, notamment en matière d’entretien du logement et d’organisation des déplacements. » Cécile Grosset

  • Parmi les aidants, 60 % déclarent être en souffrance, dont 12 % en détresse sévère*.
  • Une certaine discordance apparaît : 22 % des aidants considèrent leur proche comme autonome, tandis que 30 % des personnes malades se déclarent totalement autonomes. De même, les malades respiratoires sous-estiment souvent le soutien moral que leur apportent les aidants.
  • La communication entre aidant et aidé semble parfois manquer de fluidité : 15 % des malades respiratoires et 19 % des aidants estiment que leur proche n’exprime pas clairement ses besoins ni ses préoccupations. Les malades respiratoires perçoivent cependant la communication comme plus fluide que ne l’évaluent les aidants.
  • Les aidants expriment des difficultés plus importantes que ce que perçoivent les malades respiratoires : 83 % des aidants et 62 % des malades considèrent que l’anxiété liée à l’avenir de la personne aidée représente le principal défi. « Ces données révèlent une charge émotionnelle, physique et morale plus lourde pour les aidants que ce que perçoivent les personnes malades, pointe Cécile Grosset. Non seulement les aidants semblent plus conscients des difficultés à venir, mais ils ressentent aussi un manque de reconnaissance et une fatigue accumulée. » Par ailleurs, 73 % des aidants et 47 % des malades estiment que la fatigue morale et physique de l’aidant constitue la deuxième difficulté majeure. 42 % des aidants, contre 14 % des malades, déclarent que l’aidant manque de reconnaissance de la part de la société, de l’entourage et des pouvoirs publics.
  • La double peine des malades respiratoires se manifeste par la gestion quotidienne de leur pathologie, à laquelle s’ajoute une forte charge émotionnelle : 72 % d’entre eux ressentent de la culpabilité envers leur proche aidant, et 45 % éprouvent de l’inquiétude et de l’anxiété quant à son avenir. Pour Cécile Grosset, « cette culpabilité témoigne de leur conscience de l’impact de leur maladie sur la vie de l’aidant, créant parfois un obstacle à la demande de soutien, et pouvant intensifier une souffrance non exprimée. Leur charge émotionnelle dépasse ainsi les préoccupations liées à leur propre santé, car elle est également influencée par le bien-être de leurs aidants. » Face à cette réalité, « les aidants expriment un besoin de formation pour mieux accompagner le malade respiratoire, ajoute-t-elle, soulignant la difficulté à fournir un soutien efficace sans disposer des connaissances nécessaires, malgré leur engagement. »

Que souhaitent les proches aidants ?

  • La formation des aidants à l’accompagnement des malades respiratoires est plébiscitée par la moitié des aidants (53 %), de même que la sensibilisation des aidants à leur pathologie respiratoire est attendue par les aidés (46 %), « d’où un besoin de meilleure compréhension de la pathologie par l’entourage afin de faciliter l’accompagnement », souligne Cécile Grosset.
  • 71 % des aidants et 66 % des malades respiratoires considèrent que le soutien moral aux proches aidants est essentiel. Cependant, on observe que les malades respiratoires mettent davantage l’accent sur des besoins « pratiques », tandis que les aidants expriment également un besoin d’accompagnement psychologique.
  • Il existe un manque d’attention systématique de la part des professionnels de santé concernant le rôle des proches aidants dans le quotidien des malades respiratoires. Ainsi, 55 % des aidants affirment que les professionnels de santé ne les ont jamais interrogés sur l’aide apportée à leurs proches, et 30 % le font « occasionnellement ».
  • Bien que les directives anticipées soient connues, leur utilisation demeure limitée : 76 % des aidants et 68 % des malades respiratoires en ont entendu parler, mais seulement 25 % des aidants et 29 % des malades ont complété ce document.
  • La communication sur les aides et les droits existants est une attente majeure : 43 % des aidants et 42 % des malades souhaiteraient obtenir davantage d’informations pour améliorer la relation « aidant-aidé ».
  • Les dispositifs d’aide et les droits existants sont attendus par un nombre similaire de malades respiratoires et d’aidants (42-43 %).

Verbatim d’une personne aidante ayant répondu à l’enquête :

« C’est une tâche qui demande beaucoup de patience et d’empathie face à des personnes diminuées physiquement, psychologiquement et vulnérables qui peuvent se montrer irritables, voire violentes envers les aidants. »

*La grille Mini-Zarit évalue la charge ressentie par les aidants dans le maintien à domicile des personnes malades (niveau de stress et de fatigue émotionnelle comme physique).