L’enquête de Santé respiratoire France sur la qualité de l’air intérieur (2024) – Les chiffres clés
La santé environnementale est essentielle. Si l’attention se porte le plus souvent sur la qualité de l’air extérieur, l’air intérieur constitue un déterminant majeur de la santé, sachant que l’on passe plus de 80 % de son temps dans des espace clos (domicile, travail, transports…). « Nous avons donc souhaité mesurer la perception des patients respiratoires concernant cette qualité de l’air intérieur », introduit le Dr Frédéric le Guillou, pneumologue et président de Santé respiratoire France.
Pour cela, une enquête a été menée en 2024, co-construite dans le RespiLab, le living lab de Santé respiratoire France. Un web-questionnaire a été diffusé à plus de 5000 adhérents et 15000 followers de Santé respiratoire France.
- Au total, 310 questionnaires ont été analysés.
- L’âge moyen des proches aidants est de 52 ans, contre 64 ans pour les patients.
- Les pathologies respiratoires déclarées par les répondants sont représentatives des statistiques nationales : BPCO (5 millions de personnes en France), asthme (4 millions), apnées du sommeil (1,6 million traités, 6 millions nécessitant un traitement), ainsi que cancers, fibroses pulmonaires et dilatations des bronches.
« J’aimerais insister sur trois points essentiels, présente Frédéric le Guillou : tout d’abord, les pathologies respiratoires sont avant tout des maladies environnementales et comportementales. Selon l’OMS, des facteurs tels que l’humidité et le moisi nuisent à la santé respiratoire et aggravent des pathologies comme l’asthme. Ensuite, la qualité de l’air intérieur a des conséquences dramatiques. Elle est responsable d’une part significative des 40 000 à 48 000 décès prématurés enregistrés chaque année en France en raison de la pollution de l’air. On estime qu’environ la moitié de ces décès sont directement liés à l’air intérieur. Enfin, il faut souligner que l’air intérieur est 5 à 9 fois plus pollué que l’air extérieur, selon l’ADEME (Agence de la transition écologique). Cette réalité doit être diffusée largement, car elle touche chacun d’entre nous et exige une prise de conscience collective. »
Une conscience de l’importance de la qualité de l’air intérieur
La première thématique de l’enquête porte sur la perception des personnes atteintes de maladies respiratoires vis-à-vis de la qualité de l’air intérieur : 97 % des répondants reconnaissent que la qualité de l’air intérieur peut impacter leur santé respiratoire, témoignant d’un niveau de conscience élevé à ce sujet.
La question suivante visait à évaluer leur degré d’inquiétude : 86 % des répondants se disent préoccupés par la qualité de l’air intérieur de leur logement, dont 50 % « beaucoup » et 36 % « un peu ». Toutefois, 14 % déclarent ne pas être préoccupés par cette problématique, un constat qui mérite réflexion, car des réponses émanent de personnes atteintes de maladies respiratoires.
Le danger vient de l’intérieur
Pour beaucoup, une idée reçue, mais fausse, domine : la pollution serait uniquement extérieure, ce qui conduit certains à fermer les fenêtres pour s’en protéger. Cette perception est renforcée d’une part par l’idée que le logement est un espace sécurisé, un refuge, et d’autre part que la menace est invisible. Pourtant, c’est précisément à l’intérieur que l’on est souvent le plus exposé, ce qui est contre-intuitif. Dans l’enquête, seuls 29% des répondants savent que la qualité de l’air chez eux est inférieure à celle de l’extérieur, tandis que 51% ne perçoivent aucun problème de qualité de l’air intérieur, dont 14% se sentent protégés et estiment que l’air intérieur est meilleur que l’air extérieur. La réalité est que 60 % des logements en France présentent des problèmes liés à la qualité de l’air intérieur, selon les données de l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur. Cela souligne l’urgence d’agir pour changer les mentalités et réduire ces risques souvent sous-estimés.
97% des répondants sont conscients de l’impact de la qualité de l’air sur leur santé, 86% en sont préoccupés, tandis que 71% reconnaissent leur ignorance sur le sujet.
Le lien entre humidité, qualité de l’air et santé
Pour cette deuxième thématique, l’enquête a cherché à comprendre la perception des malades respiratoires concernant l’humidité dans leur environnement. Une question précise leur a été posée : « Avez-vous déjà habité dans un logement présentant des traces similaires à celles que vous voyez ci-dessous ? » (des photos ont été incluses pour garantir une identification claire).
Le résultat est sans appel : 43 % des malades respiratoires déclarent avoir vécu dans un logement avec des traces d’humidité, un chiffre significativement supérieur aux données générales de l’Insee, qui estime à 20,6 % la proportion de logements français présentant des signes visibles d’humidité.
Ce décalage confirme la surreprésentation des problèmes d’humidité chez les malades respiratoires. Les moisissures sont particulièrement mentionnées comme facteur déclencheur ou aggravant des troubles respiratoires dans les réponses des participants. « Un exemple récent illustre bien cette réalité, développe Bruno Tudal, conseiller en environnement intérieur. La semaine dernière, j’ai été appelé pour un enfant de 6 ans présentant des troubles respiratoires, avec un profil asthmatique et des épisodes d’apnées du sommeil. En entrant dans la maison, tout semblait en ordre à première vue. Cependant, en approfondissant l’examen, il est apparu que la ventilation mécanique contrôlée (VMC) ne fonctionnait pas. Dans la chambre de l’enfant, des signes évidents d’humidité étaient présents. Ce genre de situation n’est pas exceptionnel ; on le rencontre même de façon récurrente. Cela montre clairement que l’humidité et l’absence de bonne ventilation dans l’habitat jouent un rôle dans l’apparition et l’aggravation des maladies respiratoires, en particulier chez les populations sensibles comme les enfants. »
Cette enquête a cherché à vérifier la capacité des personnes interrogées à identifier les problèmes d’humidité dans leur environnement. Les résultats montrent qu’elles sont très sensibilisées à ce sujet. En effet, 87% des répondants sont capables de déceler des signes d’humidité dans un logement, citant en moyenne 2,6 bonnes réponses sur 3. Ils savent reconnaître les tâches, la condensation ou les odeurs persistantes et les associer correctement à des problèmes d’humidité. De plus, 82% des participants considèrent que l’humidité dans un logement est synonyme de pollution de l’air intérieur.
Plantes purifiantes et appareils filtrants… des idées reçues bien ancrées
41 % des répondants restent incertains sur les actions à entreprendre pour améliorer la qualité de l’air intérieur. Une idée fausse qui persiste est que certaines solutions populaires, comme l’achat de plantes purifiantes ou de petits appareils filtrants, seraient efficaces. En effet, 23 % des malades respiratoires croient que les plantes purifiantes pourraient améliorer la qualité de l’air. Or, « aucun test scientifique n’a prouvé que ces plantes purifient l’air, précise le Dr Le Guillou. Au contraire, elles peuvent aggraver la situation, notamment en raison des problèmes d’humidité qu’elles génèrent et des moisissures présentes dans la terre. »
De même, l’idée d’acheter un appareil électrique pour filtrer l’air est largement répandue. Cependant, une étude récente de l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie) démontre que les performances de ces appareils sont décevantes. Aucune technologie utilisée dans ces produits ne garantit leur efficacité à améliorer la qualité de l’air intérieur.
Cependant, il y a une bonne nouvelle : 93 % des personnes interrogées considèrent l’aération quotidienne, en ouvrant les fenêtres, comme un moyen d’améliorer la qualité de l’air d’un logement. Ce réflexe est désormais bien intégré, en grande partie grâce à la diffusion de messages clairs, notamment pendant la pandémie de COVID-19.
Quelles sources d’information à propos de la qualité de l’air intérieur ?
29% seulement des répondants savent que l’air intérieur est plus pollué que l’air extérieur. Un autre chiffre n’est donc pas surprenant : 95% des malades respiratoires n’ont jamais fait réaliser de diagnostic concernant la qualité de l’air dans leur logement. Autrement dit, quasiment toutes ces personnes, censées être particulièrement vigilantes à leur environnement, ne disposent d’aucune information sur les polluants présents chez elles. Soit ces personnes ne sont pas au courant de l’existence de ces diagnostics, soit elles se sentent suffisamment en sécurité chez elles, soit le professionnel de santé n’a pas mandaté de CEI à leur domicile, ou soit elles n’en ont pas les moyens financiers.
Cette situation souligne le manque d’information et de sensibilisation de la population, car, malgré la conscience croissante des risques liés à l’humidité et aux polluants de l’air intérieur, les personnes malades respiratoires semblent largement ignorantes des solutions et des outils permettant de mesurer la qualité de l’air de leur logement.
40 % des répondants se disent peu ou pas informés sur l’impact de la qualité de l’air intérieur sur leur santé. Ce chiffre explique en partie pourquoi 95 % des malades respiratoires n’ont pas effectué de diagnostic : ils manquent d’informations. Seuls 16 % des répondants se considèrent bien informés sur ce sujet, malgré le fait qu’ils soient particulièrement concernés.
Une forte demande d’informations fiables et validées
Il existe une forte demande pour des informations fiables, et les personnes interrogées souhaitent des sources provenant d’experts en santé, d’officiels ou de sites internet dédiés. La confiance dans les informations est primordiale, et les répondants sont clairs : ils veulent des messages crédibles et vérifiés.
Concernant les professionnels de la santé, 98 % des personnes interrogées attendent des informations de leur part, mais « un réel manque de formation existe dans ce domaine », fait remarquer Bruno Tudal. Il est donc essentiel de diffuser l’information à plus grande échelle, et cela passe par l’implication des médias. C’est un véritable besoin : 40 % des personnes se sentent mal informées, notamment quand il s’agit d’identifier des solutions pour améliorer la qualité de l’air intérieur. Les médias (presse, radio, télévision) ont donc un rôle central à jouer pour combler cette lacune et sensibiliser efficacement la population, devant les réseaux sociaux.
En conclusion de cette enquête, même si une prise de conscience sur la potentielle nocivité de l’air intérieur et en particulier des moisissures existe, les personnes interrogées sont largement perdues face aux solutions à mettre en place.
Lien vers le replay de la conférence de presse
Compte rendu par Hélène Joubert, journaliste santé