Pollution: le cri d’alerte des insuffisants respiratoires chroniques

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Au printemps 2021, l’association Santé respiratoire France a lancé sa grande enquête annuelle, à laquelle plus de 600 malades chroniques respiratoires ont répondu. Leurs réponses alertent sur les difficultés vécues au quotidien causées par la mauvaise qualité de l’air, intérieur comme extérieur.

Les chiffres clés de l’enquête « Impact de l’environnement sur la santé respiratoire » 

L’enquête en ligne a été réalisée du 29 avril au 15 juin 2021 et complétée par 604 patients. 85 % d’entre eux déclaraient souffrir de BPCO, 28 % d’asthme, 18 % d’apnées du sommeil et 30 % de diverses pathologies (fibrose pulmonaire, cancer du poumon, dilatation des bronches, allergies respiratoires…). L’enquête, construite à partir d’un focus group de patients insuffisants respiratoires, était supervisée par un comité scientifique.

99 % des répondants préoccupés par la qualité de l’air, intérieur et extérieur

Ils subissent l’environnement extérieur, avec le sentiment de ne pas pouvoir être acteur du changement. Pour 79 %, la qualité de l’air extérieur modifie plus leur état respiratoire que la qualité de l’air intérieur (66 %). Les femmes (83 %), les personnes âgées de 50 à 59 ans (88 %) et de 60 à 69 ans (83 %) semblent plus sensibles que les autres à l’impact de la qualité de l’air extérieur sur leur santé respiratoire.

Un niveau de conscience élevé vis-à-vis des facteurs de risque liés à l’environnement

C’est le cas pour les gaz d’échappement (92 %), les produits chimiques (80 %), les rejets industriels (74 %), les particules ou poussières (74 %), la combustion (73 %), les pesticides (71 %), les pollens (60 %) et les moisissures (59 %). « Seuls 10 % des répondants restent dans le déni ou la méconnaissance quant à l’impact de la qualité de l’air intérieur sur la santé respiratoire », fait remarquer Cécile Grosset, psychosociologue ayant réalisé l’enquête (Smartketing).

La légitimité des associations de patients en matière information

58 % des répondants estiment plutôt difficile de trouver une information fiable sur la thématique « santé et environnement ». 83 % souhaiteraient être informés au quotidien. Globalement, « ils déclarent manquer d’informations fiables et de conseils opérationnels pour agir au mieux », précise Cécile Grosset. Concernant le type d’information recherchée, 61 % citent l’indice de la qualité de l’air de leur environnement proche, 59 % des conseils sur les bonnes pratiques à adopter et 40 % des informations de fond sur le sujet. S’informer passerait par les sites officiels (ministères, etc.) et ceux des sociétés savantes (52 %), par des associations de patients reconnues (44 %) et par des applications smartphone dédiées (35 %).

L’apport des conseillers en environnement intérieur (CEI) encore mal cerné

82 % des répondants pensent pouvoir agir pour modifier la qualité de l’air intérieur de leur logement. En revanche, ils ne sont que 25 % à penser pouvoir agir pour modifier la qualité de l’air extérieur. 72 % privilégient les produits « responsables » : sans pesticides, sans produits chimiques, sans produits dangereux. 53 % évitent les actions qui génèrent de la combustion.

À parts égales, ils s’estiment intéressés (49 %) ou pas intéressés (51 %) par un diagnostic réalisé par un CEI à leur domicile dans le but d’y évaluer la qualité de l’air intérieur. « Plusieurs freins ressortent, énumère Cécile Grosset : l’absence de légitimité dans l’esprit des patients, le sentiment d’adopter déjà les bonnes pratiques. »

De bonnes pratiques…

88 % des patients s’éloignent des voies de circulation denses lors de leurs promenades et 77 % prennent en compte leur environnement dans la pratique de leur activité physique.

93 % aèrent leur logement au moins une fois par jour. Mais seuls 33 % sont préoccupés par la ventilation de leur logement (59 % sont équipés d’une VMC). La tendance globale des Français à utiliser davantage de produits non alimentaires naturels est confirmée : 85 % des patients les privilégient pour l’entretien de la maison.

… mais également des idées reçues

« 71 % pensent que la qualité de l’air est toujours meilleure à la campagne qu’à la ville, illustre l’enquêtrice, ce qui est loin d’être toujours le cas. De plus, 70 % sont convaincus que les plantes d’intérieur réduisent la teneur en polluants dans l’air, alors que rien n’est scientifiquement prouvé. » Si 83 % perçoivent la potentielle dangerosité des désodorisants d’intérieur (encens, bougies parfumées, huiles essentielles), 26 % en utilisent néanmoins de manière occasionnelle et 37 % achètent des produits dits « purifiants ».

Pour 60 % des répondants, le tabac est plus dangereux que la pollution de l’air. C’est en réalité l’inverse, mais sans grande différence cependant : d’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 8,8 millions de morts prématurées dans le monde sont directement liées à la pollution de l’air chaque année, tandis que 7,2 millions de morts sont imputées au tabac (chiffres 2015).

Enfin, 36 % pensent à tort que le risque pour la santé respiratoire n’est présent qu’en cas de pic de pollution.

« Globalement, si les facteurs de risque sont dans l’ensemble plutôt bien identifiés, analyse Cécile Grosset, les patients se sentent impuissants et considèrent que les solutions doivent émaner des pouvoirs publics. »

Hélène Joubert