La Covid-19, un catalyseur de la télémédecine ?

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Le boom des téléconsultations observé lors du confinement lié à la crise de la Covid-19, confirmé par l’enquête « Santé respiratoire et accès aux soins : quelles difficultés rencontrez-vous ? » conduite auprès des adhérents de Santé respiratoire France au mois de mai 2020, va-t-il se pérenniser ?

L’enquête
Enquête conduite en ligne par l’association Santé respiratoire France au moyen d’un questionnaire auto-administré de 32 questions, du 29 avril 2020 au 31 mai 2020 (logiciel Survey Monkey). Elle a été diffusée auprès des adhérents de Santé respiratoire France via sa newsletter, son site internet et les réseaux sociaux. Son objectif était de mieux connaître les difficultés rencontrées dans le quotidien et dans le parcours de soins dans le contexte de la Covid-19 et du confinement (vécu et besoins prioritaires).

598 personnes ont répondu au questionnaire. 91,5 % des répondants vivent avec une BPCO (ce chiffre s’explique par le fait que Santé respiratoire France s’appelait Association BPCO jusqu’en 2019) ; 18 % sont asthmatiques ; 14,4 % font de l’apnée du sommeil ; 29,3 % sont sous oxygénothérapie ; 91 % ont plus de 50 ans ; 59 % sont des hommes.

Le confinement : effondrement des consultations en présentiel, développement de la téléconsultation

Le confinement a eu un impact sur le soin chez les personnes insuffisantes respiratoires chroniques.

Comme attendu, les consultations prévues avec le pneumologue ont été annulées ou reportées, pour 42 % des malades respiratoires. Pour une partie, la télémédecine a pris le relais, du moins dans cette population, où 24 % l’ont expérimentée sous forme de téléconsultations. Pour les autres, les consultations non urgentes ont été reprogrammées. Ces téléconsultations ont également permis de rassurer nombre de patients inquiets et soucieux d’obtenir une information médicale de la part d’un soignant.

Idéalement, 26 % des répondants souhaiteraient avoir accès à une téléconsultation avec leur pneumologue ou leur médecin traitant.

En avril, dans la population générale, les téléconsultationsont franchi la barre du million par semaine. Les malades chroniques respiratoires ont fait partie de ceux qui en ont fait usage. Parmi eux, selon l’enquête, il y avait en grande majorité des personnes BPCO dont près de 30 % étaient sous oxygénothérapie. Ces personnes pourraient, à l’avenir, constituer une cible privilégiée de ce nouveau mode d’interaction avec son médecin.

En effet, les innovations, avec l’arrivée prochaine voire imminente d’objets connectés validés en tant que dispositifs médicaux et apportant des indications sur des paramètres variés tels que la saturation en oxygène, la fréquence respiratoire, etc. pourraient être couplées avec une téléconsultation (en visioconférence ou par téléphone comme cela était permis dans le cadre de la loi d’urgence sanitaire) afin de suivre au plus près le patient, lui éviter des déplacements en cas d’éloignement géographique ou d’impossibilité à se rendre chez son médecin ou, en l’occurrence en cas de crise sanitaire, de limiter les prises de risque.

Les répercussions du confinement liées à la pandémie de Covid-19

Le fort niveau d’inquiétudelors de ce confinement n’est pas une surprise (67 % des répondants ressentent un fort ou très fort niveau d’inquiétude). Néanmoins, il n’est pas forcément supérieur au ressenti de la population générale. Parmi les sondages effectués durant la même période (avril 2020), le baromètre CoviDirect (alimenté par un panel de Français sondés chaque jour par OpinionWay) codant le niveau d’inquiétude selon une échelle de 0 à 10, affichait des résultats aux alentours de 7 – 7,3*.

Parmi la population de l’enquête, 48 % craignent d’être insuffisamment protégés malgré le respect des mesures barrières et le confinement et 36 % redoutent une déstabilisation de leur maladie, ce qui se comprend aisément chez des personnes malades chroniques. La crainte de ne pas réussir à joindre un médecin en cas d’urgence est présente (29 %). Ces résultats expliquent aussi en partie l’inquiétude prégnante liée au déconfinement (49 %).

En parallèle, le confinement a produit un impact important chez les personnes insuffisantes respiratoires chroniques avec des modifications de comportement particulièrement délétères (activité physique, tabagisme). Le confinement a limité la pratique d’une activité physique pour 67 % des répondants. 71 % des fumeurs affirment avoir modifié leur consommation de tabac pendant le confinement, dans la grande majorité à la hausse. A ce titre, 35 % aimeraient accéder à des séances d’activité physique adaptée à leur état de santé et au confinement (sous forme de vidéos).

Le confinement a fait émerger une demande d’activité physique adaptée et de réadaptation respiratoire au domicile et à distance, un besoin qui perdurera probablement au-delà de cette crise sanitaire, d’autant qu’en temps normal, 64 % des répondants n’ont pas bénéficié d’une réadaptation respiratoire au cours de l’année passée.

La nécessité d’une coordination des soins

Un besoin émerge, formulé sous le nom de « conciergerie » dans l’un des verbatim des répondants, qui évoque le besoin partagé par une grande partie des malades respiratoires chroniques, à savoir la création d’un nouveau métier : une personne référente dont la mission serait de coordonner le parcours de soins des malades chroniques, médical et paramédical, comprenant les rendez-vous médicaux et l’organisation de la vie avec la maladie, etc.

Un besoin d’informations fiables, sur la Covid-19 comme en temps normal

Que l’on se situe en période d’épidémie ou non, la demande la plus prégnante des patients chroniques respiratoires est l’accès à l’information. 40 % des répondants réclament un accès à une information fiable et actualisée sur le coronavirus Covid-19 (les risques lorsqu’on vit avec une maladie respiratoire, comment gérer le quotidien dans toutes ses composantes : travail, activité physique, etc.). Hors épidémie, la plus grande difficulté, pour 65 % des répondants, est de trouver une information fiable sur les droits et les aides pour vivre le quotidien plus facilement.

Hors épidémie, 65 % des répondants souhaitent avoir accès à un centre de réadaptation respiratoire et 63 % obtenir des rendez-vous médicaux dans des délais appropriés.

En quelques verbatim, les besoins exprimés par les personnes souffrant de maladie respiratoire chronique :

A propos de la réadaptation respiratoire :

  • « Non proposée et difficile à mettre en place car je travaille et j’ai des enfants en bas âge. »
  • « Je travaille, difficile de s’arrêter un mois entier, ce serait bien d’adapter les centres au rythme des malades qui sont professionnellement actifs. »
  • « Développer la réadaptation respiratoire, le plus tôt possible dans la prise en charge de la maladie

Améliorer la coordination des soins :

« La désignation d’un coordinateur qui fasse le lien entre les soignants qui interviennent, voire déclenchent l’intervention de l’un d’eux en fonction des résultats des autres. Je sais que cela devrait être le rôle du médecin traitant mais lors de visites de dix minutes, on a à peine le temps de dire ce qui ne va pas et le médecin passe le reste de son temps à alimenter son ordinateur. »

Développer des traitements :

« Information sur les recherches et les nouveaux traitements. »

Etre aidé pour mieux vivre avec la maladie au quotidien :

  • « Une aide dans les démarches de soins et un accompagnement chez tous les médecins et pharmacie. »
  • « Visites de services sociaux systématiques pour adapter la prise en charge et l’aide, reconnaissance et soutien à l’aidant. »

Faciliter l’accès à la kinésithérapie respiratoire et de l’activité physique adaptée :

  • « Prise en charge d’un suivi de réadaptation (kiné) à domicile. Il est impossible d’en trouver un dans ma région… »
  • « Ouvrir des centres d’activité physique adaptée (type réadaptation respiratoire) avec des professionnels auxiliaires médicaux (types kinésithérapie, professeurs d’E.P spécialisés) pris en partie en charge par l’Assurance maladie, sophrologie. »

Utiliser des solutions technologiques :

  • « Avoir des outils informatiques appropriés pour aider à nous autodiagnostiquer et remontées en temps réel à centre dédié SPECIFIQUE BPCO. »
  • « Prises en charge dans différents domaines par visio avec des référents gym, parole et prise de nouvelles. »
  • « Accès à la téléconsultation. »

Lutter contre l’isolement :

  • « La possibilité d’être mis en relation avec des patients ayant la même pathologie. La formation aux encadrants associatifs. »

Hélène Joubert et Odile Sauvaget

Le rapport complet de l’enquête « Santé respiratoire et accès aux soins : quelles difficultés rencontrez-vous ? »

*https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/covidirect-sondage-quotidien-de-lopinion-en-france-pendant-la-crise-du-coronavirus-1187949