Chaque année, Santé respiratoire France, par l’intermédiaire de son RespiLab, interroge les personnes atteintes de maladies respiratoires chroniques, qu’elles soient adhérentes ou non à l’association, afin de comprendre les problématiques et les besoins qu’elles expriment pour mieux vivre avec leur maladie.
En 2023, notre axe de recherche est l’activité physique, en particulier la pratique de l’activité physique adaptée, et la perception qu’en ont les personnes souffrant d’un handicap respiratoire. Nous nous intéressons aux besoins exprimés par les patients pour débuter une telle pratique, aux obstacles qu’ils rencontrent et aux moyens de les surmonter.
Santé respiratoire France a donc donné la parole aux personnes concernées, qu’elles souffrent de BPCO, d’asthme, du syndrome des apnées du sommeil ou d’autres pathologies, et qu’elles soient sous oxygénothérapie ou non. Cette enquête a été menée et analysée par Cécile Grosset, psycho-sociologue habilitée à réaliser des enquêtes d’opinion dans le domaine de la santé (Agence Smartketing). Du 24 mars au 2 mai 2023, 568 patients ont répondu à une enquête en ligne (de 29 questions) auto-administrée (Modalisa), co-construite avec le comité scientifique mis en place par Santé respiratoire France, lequel comprend des patients et patients-experts, des pneumologues, des médecins généralistes, des ergothérapeutes, des professeurs d’activité physique, entre autres. En voici les principaux résultats.
Nous remercions les membres du comité scientifique de l’enquête : Aurélie Charvoz, Ergothérapeute au centre de réadaptation respiratoire Renée Sabran (HCL) ; David Communal, Enseignant en activité physique adaptée (APA) et éducateur thérapeutique ; Dr Sophie Duméry, Médecin du sport, membre de la commission médicale de la Fédération française de randonnée pédestre ; Dr Jean-Marie Grosbois, Pneumologue (Formaction santé) ; Cécile d’Albis de Razengues, Patiente asthme sévère et BPCO, membre de Santé respiratoire France ; Gwenaelle Spartoli, Psychologue au centre de réadaptation respiratoire Richelieu; Monika Véga, Kinésithérapeute. |
L’avis de Christiane POCHULU, patiente experte atteinte de BPCO, sur l’enquête 2023 du RespiLab
Une perception positive de l’activité physique
La grande majorité des répondants (88 %) considère l’activité physique comme bénéfique et sans danger. Toutefois, seulement 27 % en font quotidiennement pendant au moins 30 minutes. De manière générale, les répondants reconnaissent les bienfaits de cette pratique sur les capacités à l’effort au quotidien, la santé respiratoire et le moral (88 % des répondants).
L’activité physique adaptée (APA), encore méconnue des principaux intéressés
En effet, 44 % des répondants n’ont jamais entendu parler de l’activité physique adaptée (APA). Il est toutefois à noter que les programmes de réadaptation respiratoire commencent à être bien connus : seuls 7 % ignorent de quoi il s’agit.
49 % des patients déclarent bénéficier d’une APA encadrée par un professionnel de santé
L’enquête révèle que les personnes qui n’ont jamais entendu parler de l’APA sont celles qui résident dans les communes rurales (56 %), ceux qui ne savent pas si l’activité physique est dangereuse pour la santé (69 %), ceux qui ne savent pas si elle est bénéfique (72 %) et ceux qui pratiquent peu d’activité physique (quelques fois par mois pour 55 % d’entre eux ou jamais pour 59 %).
Les patients atteints de pathologies respiratoires chroniques qui ne pratiquent pas d’activité physique sont le plus souvent (selon les catégories de l’INSEE) des ouvriers (23 %), des « inactifs » (22 %), ceux sous oxygénothérapie à l’effort (15 %) et ceux qui méconnaissent les impacts positifs de l’activité physique sur la santé (64 %).
« Passer le seuil d’une association est difficile, faire de l’activité physique est difficile, montrer ses difficultés à “l’autre”, n’est pas facile. Mais oser dépasser ces peurs et rencontrer d’autres malades ne peut être que bénéfique. Faire des activités ensemble, sans avoir de jugement, ne pas être dans la performance, permet d’assumer les blocages liés à la maladie. Les activités physiques maintiennent la forme, le moral, diminuent les pertes musculaires, stabilisent la maladie. » (Une patiente)
« Dans mon département, il n’y a pratiquement qu’une seule association locale fragile qui propose une APA pour personnes non handicapées mais malades chroniques. Je m’étonne et m’indigne un peu que cette thématique de santé ne soit pas portée par la puissance publique ». (Un patient)
27 % des répondants pratiquent au moins 30 minutes d’activité physique tous les jours. Ils sont 49 % à pratiquer une activité physique d’au moins 30 minutes (en une ou plusieurs fois) plusieurs fois par semaine.
« A partir du moment où l’on comprend que l’oxygène est dans nos muscles, il faut donc essayer de stimuler cela par de l’activité physique. Avant la découverte de mon état, je faisais beaucoup de sport ; on m’a fait comprendre qu’il fallait que je garde un maximum de ce capital le plus longtemps possible. Ce n’est pas facile d’accepter, mais je m’aperçois qu’avec 39 % de VEMS, je continue à me battre (sans apport d’oxygène), et je fais donc régulièrement des activités diverses toutes les semaines. Je vais une fois par an en réadaptation respiratoire. » (Une patiente)
Autonomie, plaisir et compréhension de la maladie, des paramètres qui favorisent l’activité physique
Les principales motivations exprimées par les répondants à l’enquête pour réaliser des activités physiques sont le gain d’autonomie, la compréhension de son impact positif sur la pathologie, et le plaisir qu’ils en retirent. En revanche, les trois principaux obstacles sont la sévérité de la maladie, les conditions atmosphériques, et la méconnaissance des structures proposant l’APA.
Comment favoriser la pratique d’une activité physique adaptée ?
D’après les résultats de l’enquête, les principaux leviers sont la prescription de l’APA par un médecin, ce qui serait incitatif pour 88 % des répondants. La prise en charge financière (87 %) par l’Assurance-maladie faciliterait également la pratique de l’APA, tout comme le référencement des enseignants APA dans chaque club de sport (pour 86 %). Et 84 % des patients estiment que l’intervention d’un enseignant à domicile est efficace.
« Pour ma part c’est le coût des activités sportives qui m’empêche de m’inscrire, et les distances à parcourir pour faire des activités (la piscine par exemple), car j’habite en pleine campagne. Je pense que personne ne m’a vraiment expliqué ma maladie, ce qui se passe, ce qui pourrait l’améliorer et ce que je pourrais faire pour l’empêcher de progresser trop rapidement. » (Un patient)
« La prescription sportive est complètement absente du discours des pneumologues lors du diagnostic de la pathologie respiratoire. Or, à un stade avancé, il est quasi impossible d’exercer une activité physique, il est presque trop tard. » (Une patiente)
« Malgré une bonne connaissance globale des bienfaits de l’activité physique pour les personnes atteintes de maladies respiratoires chroniques, des inégalités persistent en termes de pratique et d’accès », souligne Cécile Grosset.
Quelques verbatims issus de l’enquête
Les verbatims mettent en évidence le fait que la connaissance de la pathologie, la conscience des bienfaits de l’APA, et l’entraide entre patients constituent des leviers efficaces en faveur de la pratique de l’APA.
« C’est très difficile de faire régulièrement une activité physique avec une FPI, sous O2 24h/24. Hormis la fatigue, l’obligation d’utiliser un appareil O2 portable pour sortir, et d’adapter le débit en fonction de l’effort et de la saturation, est très contraignante. Personnellement, j’essaie de m’y adapter, mais les appareils ne favorisent pas l’exercice physique. » (Une patiente)
« Ce serait bien de disposer d’un guide dans lequel seraient référencés pour toute la France les lieux où pratiquer une activité physique adaptée et régulière. Et de disposer de renseignements sur les activités : golf, ping-pong, tennis, gym, natation, tir à l’arc, etc., encadrées par un animateur spécialisé dans les maladies respiratoires chroniques ». (Une patiente)